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il devint libertin par goût, parce qu’il commençait à penser que le libertinage seul ne trompait pas ; il eut beau faire, il eut beau chercher l’oubli dans le poison français, il fut moissonné dans sa jeunesse par le souvenir de la première femme qu’il avait toujours aimée, de cette grisette devenue infâme et infime courtisane, dont le cœur sec se riait du mal qu’elle causait.

C’est à la suite de cet abandon qu’il composa les strophes suivantes :

Chantez, chantez encore, rêveurs mélancoliques,
Vos doucereux amours et vos beautés mystiques
Qui baissent les deux yeux.
Des paroles du cœur vantez-vous la puissance,
Et la virginité des robes d’innocence,
Et les premiers aveux.

Ce qu’il me faut à moi, c’est la brutale orgie,
La brune courtisane à la lèvre rougie
Qui se pâme et se tord ;
Qui s’enlace à vos bras dans sa fougueuse ivresse,
Qui laisse ses cheveux se dérouler en tresse,
Vous étreint et vous mord !

C’est une femme ardente autant qu’une Espagnole,
Dont les transports d’amour rendent la tête folle