Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/111

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d’une étincelle souffrante et avortée ! que de fois j’ai tenté de rallumer quelques charbons éteints sous cette pauvre cendre ! Hélas ! ses longs cheveux avaient réellement la couleur de la cendre, et nous l’appelions Cendrillon.

Je n’étais pas assez riche pour lui donner des maîtres ; Desgenais, d’après mon conseil, s’intéressa à cette créature ; il lui fit apprendre de nouveau tout ce dont elle avait les éléments. Mais elle ne put jamais faire en rien un progrès sensible ; dès que son maître était parti, elle se croisait les bras et restait ainsi des heures entières, regardant à travers les carreaux. Quelles journées ! quelle misère ! Je la menaçai un jour, si elle ne travaillait pas, de la laisser sans argent ; elle se mit silencieusement à l’ouvrage, et j’appris peu de temps après qu’elle sortait à la dérobée. Où allait-elle ? Dieu le sait. Je la priai, avant qu’elle partît, de me broder une bourse ; j’ai conservé longtemps cette triste relique ; elle était accrochée dans ma chambre comme un des monuments les plus sombres de tout ce qui est ruine ici-bas.

Maintenant, en voici une autre.

Il était environ dix heures du soir, lorsque après une journée entière de bruit et de fatigues, nous nous rendîmes chez Desgenais, qui nous avait devancés de quelques heures pour faire ses préparatifs. L’orchestre était déjà en train, et le salon rempli à notre arrivée.

La plupart des danseuses étaient des filles de théâtre ; on m’expliqua pourquoi celles-là valent mieux que les autres ; c’est que tout le monde se les arrache.

À peine entré, je me lançai dans le tourbillon de la valse. Cet exercice vraiment délicieux m’a toujours été cher ; je n’en connais pas de plus noble, ni qui soit plus