Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/62

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sais quelle voix consolante, comme un accord pur et céleste né du concert de deux voix gémissantes. Cependant, durant toutes ces larmes, comme je m’étais penché sur madame Levasseur, je ne voyais que son visage. Dans un moment de silence, m’étant relevé et éloigné quelque peu, je m’aperçus que, pendant que nous parlions, elle avait appuyé son pied assez haut sur le chambranle de la cheminée, en sorte que, sa robe ayant glissé, sa jambe se trouvait entièrement découverte. Il me parut singulier que, voyant ma confusion, elle ne se dérangeât point, et je fis quelques pas en tournant la tête pour lui donner le temps de s’ajuster ; elle n’en fit rien. Revenant à la cheminée, j’y restai appuyé en silence, regardant ce désordre, dont l’apparence était trop révoltante pour se supporter. Enfin, fixant ses yeux, et voyant clairement qu’elle s’apercevait fort bien elle-même de ce qui en était, je me sentis frappé de la foudre ; car je compris net que j’étais le jouet d’une effronterie tellement monstrueuse, que la douleur elle-même n’était pour elle qu’une séduction des sens. Je pris mon chapeau sans dire un mot ; elle rabaissa lentement sa robe, et je sortis de la salle en lui faisant un grand salut.

CHAPITRE VII

En rentrant chez moi, je trouvai au milieu de ma chambre une grande caisse de bois. Une de mes tantes était morte, et j’avais une part dans son héritage, qui n’était pas considérable. Cette caisse renfermait, entre autres