Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/234

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Entouré de ses chiens sur les herbes sanglantes,
Découdre, les bras nus, les biches expirantes,
S’asseoir au rendez-vous, et boire dans ses mains
La neige des glaciers, vierge de pas humains.

Exeunt.



Scène III

La nuit. — Une terrasse au bord d’un chemin.
MONNA BELCOLORE, FRANK, assis dans un kiosque.
BELCOLORE.

Dors, ô pâle jeune homme, épargne ta faiblesse :
Pose jusqu’à demain ton cœur sur ta maîtresse ;
La force t’abandonne, et le jour va venir.
Carlo, tes beaux yeux bleus sont las, — tu vas dormir.

FRANK.

Non, le jour ne vient pas, — non, je veille et je brûle !
Ô Belcolor, le feu dans mes veines circule.
Mon cœur languit d’amour, et, si le temps s’enfuit,
Que m’importe ce ciel, et son jour et sa nuit ?

BELCOLORE.

Ah ! Carlo, mon Carlo, ta tête chancelante
Va tomber dans mes mains, sur ta coupe brûlante.
Tu t’endors, tu te meurs, tu t’enfuis loin de moi
Ah ! lâche efféminé, tu t’endors malgré toi.

FRANK.

Oui, le jour va venir. — Ô ma belle maîtresse !
Je me meurs ; oui, je suis sans force et sans jeunesse,
Une ombre de moi-même, un reste, un vain reflet,
Et quelquefois la nuit mon spectre m’apparaît.