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ET SES AMIS

un buste du grand philosophe. Il lui continuait de la sorte, et jusque dans l’éternité, l’hospitalité de sa demeure.

Chez son illustre beau-frère, Frontenac avait rencontré tous les hommes éminents qui devaient composer l’Académie des Sciences, car ce fut là, dans cette maison, que le grand ministre du Grand Roi, Colbert, vint les choisir. Là aussi que Molière en personne lut, pour la première fois, devant un jury de critiques, sa fameuse comédie de Tartufe, dont l’audace allait provoquer les foudres royales et ecclésiastiques. J’imagine et vois d’ici Frontenac siégeant dans ce cénacle d’intimes, de gourmets littéraires, triés sur le volet, invités à cette séance académique comme à un banquet, pour y goûter, en primeur, y ouïr en dillettanti cette pièce inédite, savoureuse comme un scandale et désirable comme un fruit défendu.

Pierre Margry, l’apologiste des Frontenacs et de leurs alliés, a cru devoir excuser Habert de Montmort auprès de ses lecteurs pour avoir permis à Molière la lecture de Tartufe chez lui.

« Ce n’est pas, remarque-t-il, qu’on fût irréligieux dans cette maison. Les Montmorts recherchaient au contraire la vérité dans ce qu’elle avait de plus élevé et de plus pur. Cette recherche même qui portait leur pensée vers un monde supérieur dont ils se regardaient déjà comme citoyens, suivant l’expression de l’Apôtre, cette recherche paraissait avec éclat dans la personne du second fils d’Henriette de Frontenac. »[1]

Si l’auteur du Misanthrope et de tant d’autres chefs-d’œuvre y venait prendre l’avis de l’aréopage académique, consulter Henri-Louis Habert de Montmort, le maître de céans, sur l’estime qu’il devait entretenir de ses propres ouvrages, l’enfant de la maison, Louis Habert de Montmort, le neveu de Frontenac, le futur évêque de Perpignan, y venait prendre aussi conseil de Bossuet et de

  1. Introduction au tome Vième des Mémoires et documents pour servir à l’histoire des Origines françaises des pays d’Outremer, page 137, Paris, 1887.