qu’ils n’aillent point, au delà de la vie, se confondre avec la Divinité ; mais, à la stupéfaction générale de l’humanité, ce grand esprit accepte le néant, consent à le subir sans révolte, avec résignation, « par respect », dit-il, pour les Dieux dont il admirait la sagesse dans la belle ordonnance de la Nature, « et qui ont jugé bon qu’il en soit ainsi. »
Tout autre est le sentiment de Frontenac en présence de la mort des siens. Plus la détresse de leur départ l’émeut, plus l’espérance éperdue de leur retour le hante. Le trépas pour le chrétien véritable est la véritable épreuve de sa foi ; plus on expire autour de lui, plus il croit, plus il prie ; plus ceux-là qui semblent s’éloigner se rapprochent ; plus longtemps ils l’ont quitté, plus vite il les retrouve ; son impatience diminue en raison de la durée prolongée de l’absence, laquelle, après tout, n’est que temporaire, comparée au rendez-vous éternel que les âmes se donnent en Dieu.
L’enfant, la sœur, le neveu, le beau-frère, la belle Frondeuse, et l’immortelle épistolière disparus, qui donc survivait maintenant des sept élus du cœur de Frontenac ? Une seule personne : Anne de la Grange, sa femme. Ce fut à la Divine, elle le demeura toujours pour lui, que l’illustre vieillard reporta toutes ses affections, en elle qu’il se reposa pour l’accomplissement de ses volontés suprêmes. La seule lecture de son testament prouverait aux plus sceptiques la fermeté de cet amour grandi dans la solitude et l’exil. Au fond de cette âme, desséchée par les chagrins les plus amers, vide de toutes les tendresses, la douleur jetait un cri déchirant, qui s’y répercutait, en écho d’abîme, dans le silence de son isolement, infini comme l’espace.
J’ai dit que la mort de Madame de Sévigné fut pour Frontenac le dernier avertissement ; il ne fut pas un « épouvantement, » pour me servir d’un mot vieilli, mais excellent, de notre belle langue française. Louis de Buade avait trop souvent, et de trop près, bravé la mort durant