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ET SES AMIS

les cinquante années de sa vie militaire, pour s’effrayer des coups de surprise de la Camarde. Ce que l’immortelle femme de lettres avait écrit de M. de la Rochefoucauld mourant, on le pouvait répéter de Frontenac à l’agonie : « Il s’était approché de telle sorte de ses derniers moments qu’ils n’eurent rien de nouveau ni d’étranger pour lui. » La Rochefoucauld avait dit : le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement ; et cependant, il eut le courage et l’honneur de donner à sa propre maxime le plus éclatant démenti, car il envisagea bravement son terrible adversaire. Il expira en stoïque, mieux que cela, en chrétien. Il en fut ainsi du vainqueur de Phips. Frontenac s’était préparé de longue date, et, quand sonna l’heure du départ, le voyageur fut prêt à entrer dans l’éternité comme autrefois il entrait en campagne : plein de vaillance et d’espoir ; une vaillance supérieure au courage qui méprise la mitraille ou le glaive, une espérance plus haute que les illusions terrestres qui l’avaient tant de fois et si cruellement trompé.

En effet, le comte de Frontenac mourut dans les sentiments d’un bon chrétien. Mirabile dictu ! c’est Champigny — vous lisez bien lecteurs, c’est Champigny, Bochart de Champigny, l’Intendant, qui lui en délivre le certificat dans une lettre devenue aujourd’hui pour nous un véritable document historique.[1]

Quand Frontenac décéda, il y avait déjà quelques temps qu’il s’était réconcilié avec Champigny, sur la demande formelle du comte de Pontchartrain. Bien que tous deux conservassent leur manière de voir dans l’ad-

  1. Même témoignage de la part de l’évêque de Québec, Mgr  de St-Vallier. J’en ai la preuve par la réponse du ministre, Louis de Phélippeaux, comte de Pontchartrain, chancelier, à la lettre de l’évêque de Québec. Cette réponse est en date du 27 mai 1699. Elle dit que le chancelier « a été heureux d’apprendre de lui (Mgr  St-Vallier) dans quels sentiments de piété et de religion était mort M. de Frontenac. »
    Cf : Supplément du Rapport du Dr. Brymner sur les Archives Canadiennes par M. Édouard Richard, 1899, publié en 1901, version française, page 327.