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FRONTENAC

ment, accorder quelques séances à Mellan, à Bernini, à LeBrun, un temps pris, bien entendu, sur les quarante jours du repos forcé de la convalescence. Mais cette occasion échappée, cette chance unique perdue, il ne s’en retrouva plus d’autre, notre héros guerroyant sans relâche à travers l’Europe !

Je me trompe ; l’impatient, l’irascible, l’insaisissable Louis de Buade a posé durant cinquante ans — une longue séance, n’est-ce pas ? — devant un graveur plus habile que Mellan, devant un sculpteur plus célèbre que Bernini, devant un peintre plus illustre que LeBrun : il a posé devant l’Histoire qui l’a buriné en traits immortels. Les photographes ont raison : les poses les plus inconscientes sont les plus naturelles, et, partant, les meilleures.

Avec une opiniâtreté d’enfant gâté qui veut avoir la lune, nos antiquaires veulent, absolument aussi, compter dans leurs collections historiques un portrait de Frontenac. Coûte que coûte il le leur faut ! Ils deviennent à ce point importuns, encombrants, obsédants, ils ont de tels cris aigus de bébés qui se fâchent, que leurs fournisseurs de gravures et d’estampes en demeurent positivement ennuyés. L’un d’eux, madré parisien, fatigué sans doute d’entendre geindre son client, s’avisa, pour le faire taire, de lui vendre — prix d’or — un profil d’Heidegger gravé par Lips. Notre connaisseur (!), c’était un photographe québecquois, fort estimable d’ailleurs, s’imaginant tenir un Frontenac authentique, a genuine Frontenac, dirait un catalogue yankee, en vendit à qui voulait en prendre pendant vingt-cinq ans ! On sait comment M. Pierre Margry me signala cette fumisterie que l’excellent M. Jules Livernois a trouvé fort mauvaise.[1]

En cherchant un portrait authentique de Frontenac, j’en suis arrivé à un singulier résultat, résultat encore plus négatif que les photographies Livernois. J’ai décou-

  1. Cf : Sir William Phips devant Québec, ch. 13, pages 384 à 402. — J’ai consacré tout ce chapitre à l’historique de cette fraude.