Page:Myrand - Frontenac et ses amis, 1902.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
APPENDICE

Le potin calomnieux si complaisamment et si persévéramment ébruité et colporté par nos auteurs canadiens-français au sujet de la comtesse refusant le cœur mort de son mari n’est qu’une vétille mis en regard de cette poignée d’accusations scandaleuses publiquement jetées à la figure de Frontenac et formulées avec un tel aplomb qu’il ne laisse place à aucun doute possible. À la lecture d’une semblable charge, on demeure absolument convaincu, et Frontenac n’est plus, aux yeux des honnêtes gens, qu’un affreux gredin, une sale fripouille.

L’abbé Ferland n’est-il pas, dans l’estime de notre monde lettré, le prototype de l’historien honnête, sincère, éclairé ? Intègre, tolérant, sagace, ce prêtre qui avait reçu en apanage les plus belles qualités de l’intelligence, était à ce point vertueux qu’il considérait son ministère d’historien comme un second sacerdoce et l’exerçait, conséquemment, avec une conscience austère.

Or, l’excellent abbé Ferland, si prudent et circonspect d’ordinaire, s’est trompé du tout au tout à l’égard de Frontenac, au sujet de la représentation de Tartufe. Sa bonne foi a été surprise. Les assertions diffamatoires proférées contre Frontenac par l’abbé La Tour[1] l’avaient été avec une telle fermeté, une telle audace, que l’abbé Ferland prit pour de la belle et bonne indignation d’honnête homme, sûr d’avoir vu le scandale qu’il raconte, ce qui n’était qu’un comble de haine, d’impudence et d’effronterie.

Rien n’est vrai des accusations si crânement et si nettement précisées par l’abbé La Tour. Au temps de la domination française Tartufe ne fut jamais joué au Canada. Il ne l’a pas encore été jusqu’aujourd’hui. Je le répète, Frontenac ne fit pas jouer la fameuse comédie de Molière ni au château Saint-Louis, ni chez les Jésuites, ni à l’Hôtel-Dieu, ni aux Ursulines ; ses comédiens et ses danseuses (!!) ne se présentèrent pas au Séminaire : il y a là cinq mensonges gratuits, cinq mensonges patents qui se tiennent comme les doigts de la main. Ceux-là de mes lecteurs

  1. Cf : Encyclopédie Migne : Œuvres complètes de La Tour — sept gros volumes in-quarto. — Tome 6ième, — Paris — 1855. Mémoires sur la vie de M. de Laval, livre XII pages 1394 et 1395.