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APPENDICE

auprès des gens sérieux[1]. Sans constater, au préalable, si cette anecdote était fille légitime de l’Histoire, ou enfant naturelle de la Fable, ils la publièrent dans leurs livres. Puis les journaux, les revues, s’en emparèrent et la vulgarisèrent à leur tour dans l’esprit des foules. Mais un roman qui, plus que toutes les œuvres littéraires et historiques de ces auteurs réunies, répandit cette anecdote aux quatre coins de la province de Québec, est indéniablement le François de Bienville de M. Joseph Marmette, publié en 1870.

Voici, en effet, ce que nous lisons, en note, au pied de la page 270 de la première édition :

« Frontenac, comme chacun sait, mourut en 1698 et fut enterré dans l’église des Récollets.[2] Lors de l’incendie de cette église, le six septembre 1796, on releva les corps qui y avaient été inhumés. Ceux des personnages importants, entr’autres celui de M. de Frontenac, furent inhumés dans la cathédrale, et, dit-on, sous la chapelle de Notre-Dame-de-Pitié. Les cerceuils en plomb qui, paraît-il, étaient placés sur des barres de fer dans l’église des Récollets, avaient été en partie fondus par le feu. On retrouva dans celui de M. de Frontenac une petite boîte en plomb qui contenait le cœur de l’ancien gouverneur. D’après une tradition, conservée par le Frère Louis, récollet, le cœur du comte de Frontenac fut envoyé, après sa mort, à sa veuve. Mais l’altière comtesse ne voulut pas le recevoir, disant : qu’elle ne voulait pas d’un cœur mort qui, vivant, ne lui avait pas appartenu. La boîte qui le renfermait fut renvoyée au Canada et replacée dans le cercueil du comte où on la retrouva après l’incendie. »[3]

  1. Il convient de remarquer aussi que nos grands auteurs, les trois historiens canadiens-français Garneau, Ferland, Laverdière, l’ignorent absolument.
  2. Une clause du testament de Frontenac ordonnait expressément qu’il fût enterré dans l’église des Récollets. Le gouverneur avait toujours été leur syndic apostolique au Canada.
    Les Récollets ont joui de la faveur constante des Frontenacs. La bienveillance envers cet ordre religieux était chez eux une tradition de famille. Nous savons, par M. Pierre Margry, que l’établissement des Récollets à Saint-Germin-en-Laye était l’œuvre d’Henri de Buade, comte de Frontenac, père du gouverneur du Canada.
  3. La première édition fut publiée chez Léger Brousseau,