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APPENDICE

transmise, de Carheil à Charlevoix, et de Charlevoix à Rochemonteix, contre tout ce qui porte le nom de Frontenac ou lui touche de près comme de loin.

Que s’était-il donc passé entre la femme et le serpent, ou, pour me servir d’un langage moins biblique, entre la Compagnie de Jésus et Frontenac ? Ceci.

Frontenac, en maintes circonstances — pourquoi ne pas écrire toujours ? — s’était complu à persécuter cette famille religieuse, à la combattre, à la blesser cruellement dans la personne de ses enfants les plus chers et de ses membres les plus illustres. Les Jésuites eussent tout pardonné, railleries, partialités, insultes, soupçons outrageants, n’eût été une calomnie atroce, qui les frappait d’infamie dans leur caractère sacerdotal.

À la date du 2 novembre 1672, Frontenac écrivait à Colbert sous le voile d’une correspondance chiffrée :

« Pour vous parler franchement, ils (les Jésuites) songent autant à la conversion du Castor qu’à celle des âmes ; car la plupart de leurs missions sont de pures moqueries. »[1]

Cette calomnie, diffamatoire au premier chef, constituait une mortelle injure pour la Compagnie de Jésus. Elle ne pardonna pas l’outrage fait à l’honneur de ses missions, ni la boue jetée par le gouverneur au visage sanglant de ses martyrs.

Oui, le motif certain de cette traditionnelle antipathie des écrivains jésuites pour Frontenac tient uniquement dans cette phrase criminelle que je voudrais pouvoir effacer de la correspondance officielle de ce gouverneur, que Rochemonteix, avec une largeur de caractère qui lui fait le plus grand honneur, reconnaît, malgré tout, comme étant l’homme « le plus éminent que Louis XIV ait donné à la Nouvelle-France. »[2]

Dites, maintenant que vous savez, lecteur, le mot, je ne dirai pas inoubliable, mais abominable, de Frontenac à l’adresse des missions jésuites, dites, si véritablement la rancune de Charlevoix n’est pas légitime et légitime aussi l’antipathie de Roche-

  1. Cf : Rochemonteix : Les Jésuites et la Nouvelle-France, tome III, p. 134 — Archives des Colonies — Canada — Carton de la Nouvelle-France, no II.
    Relations inédites de la Nouvelle-France, Vol. II, Supplément, page 359, édition Douniol.
  2. Rochemonteix : Les Jésuites et la Nouvelle-France au 17iè,e siècle. Vol. III, p. 94.