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FRONTENAC ET SES AMIS

On exalte, et avec raison, le courage héroïque de Madame de Champlain, une jeune femme de vingt-deux ans, qui vint, à l’Habitation de Kébec, partager avec son mari les angoisses, les fatigues et les peines d’une existence obscure, laborieuse et solitaire, perdue dans un pays où la nuit du paganisme s’épaississait encore des ténèbres de la barbarie. Toutefois, ne soyons pas trop prompts à reprocher à Madame de Frontenac de n’avoir pas suivi ce magnifique exemple d’abnégation et de sacrifice que répétèrent à leur tour, avant elle, dans l’histoire des gouvernements de Québec, mesdames d’Ailleboust, De la Barre et Denonville. Ne lui gardons pas une amère rancune d’être demeurée là-bas, en France, tout le temps que durèrent les deux administrations de son mari.

Plusieurs ont cherché à expliquer, sinon à excuser, l’absence de Madame de Frontenac, par l’incompatibilité d’humeur des deux époux.

    Dussieux est l’auteur d’un ouvrage très estimé : Le Canada sous la domination française, d’après les archives de la Marine et de la Guerre. — Paris, 1862.
    « En 1850 — écrit M. Dussieux à la première page de ce livre qui a fait tant aimer et connaître le Canada en France où on l’avait oublié depuis près de cent ans — j’avais à exposer pour la première fois notre histoire nationale aux élèves de l’École de Saint-Cyr. Lorsque j’en vins au récit de la lutte qui nous a coûté le Canada, l’ardente et sympathique jeunesse qui m’écoutait tressaillit au récit des grandes actions qui avaient honoré le nom français en Amérique.
    « Je n’oublierai pas l’émotion qui s’empara de l’auditoire lorsque je dis que cette belle page de nos annales militaires était pourtant presque inconnue en France et que jamais encore on n’y avait raconté en détail les actes des hommes illustres qui, pendant si longtemps, et avec tant de gloire, avaient disputé le Canada aux armées anglaises. »
    Et ce fut pour racheter cette ingratitude, combler cette impardonnable lacune dans le cours d’Histoire de France donné à des Français, que Dussieux composa son ouvrage. « Je croirai, disait-il, avoir rendu service à mon pays si ce travail rappelle à mes compatriotes le souvenir de ces terres lointaines où un million de cœurs français battent encore, fiers de leur origine. »