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FRONTENAC

que, bien que le cynique Tallemant des Réaux, et le médisant Saint-Simon en parlent fréquemment dans leurs écrits, ils ne laissent planer aucun soupçon sur ses mœurs. »[1]

Cyniques et médisants, comme Bédard a bien étiqueté ses personnages ! En effet, dans l’estime de tous les lettrés, Tallemant des Réaux et Saint-Simon ne sont-ils pas les deux plus mauvaises langues du dix-septième siècle ? Sainte-Beuve, dans ses Portraits de femmes, ne qualifie-t-il pas le premier de rapporteur ordinaire des mauvaises paroles[2] et M. de Labriole ne disait-il pas, l’an dernier, à la clôture du cours didactique de littérature française, que le second fut, dans l’histoire de France, le plus illustre des calomniateurs[3] ? Rappelons-nous, à l’appui de l’opinion de M. de Labriole, ce que les éditeurs du Journal de Dangeau disent à leur tour de ce personnage : « Toutes les fois que nous avons pu contrôler Saint-Simon, nous l’avons trouvé dans le faux, dans l’exagération, dans l’erreur ou dans le mensonge. » En voulez-vous un exemple ?

À la mort de Madame de Maintenon, Dangeau écrit dans son Journal : « C’était une femme d’un si grand mérite, qui avait tant fait de bien et tant empêché de mal pendant sa faveur, qu’on n’en saurait rien dire de trop. » Saint-Simon écrit tout à côté : « Voilà bien fadement, salement, et puamment mentir à pleine gorge ! »[4] Ne pourrait-on pas, avec plus de justesse,

  1. Cf : Première administration de Frontenac (1672-1682) conférence par M. T.-P. Bédard, publiée dans l’Annuaire de l’Institut Canadien de Québec, No 6, année 1880.
  2. Cf : Sainte-Beuve, Portraits de femmes, page 254.
  3. La Vérité, de Québec, du 18 mai 1901, a reproduit in extenso le discours de M. de Labriole, prononcé à l’université Laval, Montréal, le 20 avril 1901.
  4. Je ne partage pas du tout l’opinion de l’annaliste du monastère des Ursulines de Québec quand elle écrit, au temps de l’administration de Denonville au Canada (1685-1689) — Cf : Le Fort et le Château St-Louis, par M. Ernest Gagnon, page 49.