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ET SES AMIS

ne comprit rien à cette austère morale, et n’y vit qu’un obstacle au caprice de ses désirs criminels. Mais plus tard, vers 1680, il en prend son parti, respecte l’inébranlable vertu de la marquise de Maintenon et lui rend hommage. Les délices de la conversation, l’irrésistible charme de cet esprit l’emportent sur les grossiers plaisirs du roi, qui ne se résigne encore qu’avec peine à ce commerce purement intellectuel. Finalement, en 1682, les conseils et la vertu de Madame de Maintenon triomphent. Louis XIV rentre dans ses devoirs, pratique la religion, et rend Marie-Thérèse absolument heureuse par un retour de tendresse et de fidélité conjugales qui ne se démentira plus. La noble souveraine comprit d’où lui venait ce bonheur tardif, et aux conseils de quelle abnégation héroïque elle le devait. La joie fut courte cependant : le 30 juillet 1683 Marie-Thérèse mourut en passant au doigt de Madame de Maintenon son anneau nuptial. Deux ans plus tard, Louis XIV épousait la grave conseillère qui avait fait rentrer dans sa vie l’ordre, le calme et la dignité.

La comtesse de Frontenac suivit toutes les phases de l’attachement royal pour son illustre amie, assiduités qui durèrent quinze ans — de 1672 à 1685 — sans jamais sortir du domaine de l’esprit où les maintenait inexorablement Madame de Maintenon. Madame de Frontenac recevait toutes les confidences de la nouvelle favorite ; et, pour avoir joui de cet insigne honneur de la part d’une personne aussi éminente, ne fallait-il pas qu’elle se fût toujours montrée digne de le mériter ?

Je regrette vivement de ne pouvoir ici publier, in extenso, la correspondance échangée, au sujet de Louis XIV, entre la marquise et la comtesse. À l’exception d’un mémoire politique[1], tous les papiers de Madame de Frontenac sont perdus sans retour. Un tel malheur n’a point frappé les Œuvres de Madame de Maintenon, dont la publication, au témoignage de M. Guizot, était la plus

  1. C’est le Mémoire de 1681 adressé au marquis de Seignelay.