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ET SES AMIS

sont intégralement reproduits de l’édition La Beaumelle.[1]


Madame de Maintenon à Madame de Frontenac.
Lettre 44ième
Année 1680.

M. de Louvois a ménagé à Madame de Montespan un téte-à-tête avec le Roi. On le soupçonnait depuis quelque temps de ce dessein ; on étudiait ses démarches ; on se précautionnait contre les occasions ; on voulait rompre ses mesures ; mais elles étaient si bien prises, qu’on a enfin donné dans le piège. Dans ce moment ils en sont aux éclaircissements ; et l’amour seul tiendra conseil aujourd’hui. Le Roi est ferme ; mais Madame de Montespan est bien aimable dans les larmes.

Madame la Dauphine est en prières ; sa piété a fait faire au Roi des réflexions sérieuses ; mais il ne faut à la chair qu’un moment pour détruire l’œuvre de la grâce. Cette princesse s’est fait un point de conscience de travailler à la conversion du Roi ; je crains qu’elle ne l’importune et ne lui fasse haïr la dévotion : je la conjure de modérer son zèle ; elle m’admet quelquefois à ses exercises de piété ; je vous assure qu’il n’est point de cœur plus à Dieu. Madame de la Vallière est un exemple bien frappant du pouvoir de la grâce ; le Roi en parle volontiers et je ne puis me persuader que Louvois et Madame de Montespan effacent de son esprit ces saintes impressions. Mais, encore un coup, l’esprit est prompt et la chair est faible.


Lettre 45ième
À la même
23 août 1680.

Cet éclaircissement a raffermi le Roi ; je l’ai félicité de ce qu’il avait vaincu une ennemie si redoutable ; il avoue que M. de Louvois est un homme plus dangereux que le Prince d’Orange ;

  1. La Beaumelle : Lettres de Madame de Maintenon, tome Ier, pages 67 à 74 inclusivement, édition de 1758.