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FRONTENAC

mais c’est un homme nécessaire. Madame de Montespan a d’abord pleuré, ensuite fait des reproches, enfin a parlé avec humeur ; elle s’est déchaînée contre moi selon sa coutume. Cependant elle lui a promis de bien vivre avec moi. Pour son honneur elle devrait du moins sauver les apparences. La Feuillade s’est brouillé avec Colbert et réconcilié avec Louvois. Le Prince de Marsillac trompe toute la Cour. La Duchesse du Lude se tient au grand nombre. Madame de Rochefort est entrée dans les pieuses intentions de Madame la Dauphine. Madame du Fresnoy veut me persuader que le Roi me trompe : et quel intérêt aurait-il à me tromper ? Mes amis ne me laissent pas le temps de respirer ; je suis plus contente de la discrétion de mes parents. Je vous attends après-demain à Maintenon.



Lettre 46ième
À la même

Je suis dévorée de chagrins ; je m’étais flattée que Madame de Montespan cesserait de me persécuter, et que je pourrais enfin faire paisiblement mon salut auprès d’une Princesse qui donne à toute la Cour un exemple bien admiré et bien peu suivi. Elle s’est raccommodée avec le Roi ; Louvois a fait cela. Elle n’a rien oublié pour me nuire ; elle a fait de moi le portrait le plus affreux. Mon Dieu ! que votre volonté soit faite ! Elle vint hier chez moi, et m’accabla de reproches et d’injures ; le Roi nous surprit au milieu d’une conversation qui a mieux fini qu’elle n’a commencé. Il nous ordonna de nous embrasser et de nous aimer : vous savez que ce dernier article ne se commande pas. Il ajouta en riant qu’il lui était plus aisé de donner la paix à l’Europe que de la donner à deux femmes, et que nous prenions feu pour des bagatelles.



Lettre 47ième
À la même

Je ne puis vous voir. J’irai à Maintenon : le roi veut m’y surprendre un jour, et ce jour sera peut-être demain ou après-