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FRONTENAC

antichambres de Versailles, confondu dans une vague toujours battante de quémandeurs et de courtisans en détresse, ce sera encore l’intrépide compagne des mauvais jours, des luttes violentes, des querelles acrimonieuses, des rivalités féroces, acharnées, qui recueillera le naufragé, reconstruira sa barque avec les débris de sa fortune et de son crédit, enfin, sept ans plus tard, le 26 juillet 1689[1] lui fera reprendre triomphalement la haute mer. Dix-sept années de courage, de constance et de fidélité, pareil exemple est-il d’une femme galante ou d’une femme honnête ?

« Il y a telle femme, dit La Bruyère en parlant Des Femmes, il y a telle femme qui anéantit ou qui enterre son mari au point qu’il n’en est fait dans le monde aucune mention : vit-il encore, ne vit-il plus, on en doute. » Sainte-Beuve a cru deviner que l’auteur des Caractères songeait à Madame de la Fayette en écrivant ces lignes ; sûrement il ne pensait pas à Madame de Frontenac, car jamais épouse n’eût plus présent à la mémoire mari à la fois plus absent et plus éloigné.

La correspondance active dont j’ai parlé et que nous signale M. Henri Lorin dans son ouvrage, cette correspondance échangée autrefois, (1672-1682) au temps de son premier gouvernement, entre Frontenac et sa femme, se rétablit en 1690, l’année glorieuse par excellence, et se continua, affectueuse et régulière, toute la durée de la seconde administration du gouverneur. Du côté de Frontenac, elle se clôt le 22 novembre 1698, date du testament de l’illustre vieillard ; du côté de la Divine, sa dernière lettre reçue au Canada est de juin 1699 : c’est une procuration à Charles de Monseignat, secrétaire de Frontenac, l’autorisant à la représenter, en sa qualité de

  1. La lettre de rappel de Denonville est datée du 31 mai 1689 ; la seconde nomination de Frontenac comme gouverneur a lieu le 7 juin suivant ; le 15 du même mois il reçoit ses instructions et prend congé de son royal maître ; il s’embarque à La Rochelle le 26 juillet et arrive à Québec le 15 octobre, après une traversée de 82 jours !