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XIV.


Il ne faut pas se scandaliser outre mesure en songeant que le noël bourguignon qu’on vient de lire se chantait dans nos temples. Des belles cathédrales de France en ont entendu bien d’autres aux douzième, treizième et quatorzième siècles. L’Église s’était prononcée avec raison contre l’introduction des chants profanes dans le sanctuaire et refusait d’admettre, au milieu des cérémonies réglées par le rituel, aucun chant en langue vulgaire. Cependant la Prose de l’Âne[1] résista longtemps aux condamnations des conciles et des synodes et fut même l’objet d’une sorte de tolérance liturgique, particulièrement à Troyes où la Fête de l’Âne était annuellement célébrée sous les auspices du peuple qui répondait aux chantres, par le braiement de l’âne : Hé, sire Ane, hé ! On peut donc croire que dans beaucoup de diocèses, au Moyen-Age, les chants religieux en langue vulgaire, qu’on désigne sous le nom générique de noëls, se mêlaient parfois aux chants sacrés qui célébraient la naissance de Jésus dans l’étable de Bethléem. Ils accompagnaient la procession solennelle qui se faisait, la nuit de Noël, au son des instruments de musique, avec des costumes de bergers, autour de la crèche de l’Enfant-Dieu. Les assistants, qui représentaient les pasteurs,

  1. Voici les deux premiers couplets de la Prose de l’Âne :

    Orientis partibus
    Adventavit Asinus
    Pulcher et fortissimus
    Sarcinis aptissimus
    .

    Hic in collibus Sichen
    Enutritus sub Ruben
    Transiit per Jordanem,
    Saliit in Bethleem
    .


    Des régions de l’Orient est venu l’âne très beau, très vigoureux, très apte à transporter les fardeaux.

    Sur les coteaux de Sichem il fut élevé par Ruben ; il traversa le Jourdain et monta à Bethléem.