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NOËLS ANCIENS

Cette mélancolie saisissante du noël qu’on va lire s’explique d’elle-même. Le musicien n’a fait que traduire, en l’accentuant davantage — les sons étant toujours plus expressifs que les mots — la pensée de l’auteur. Le poète avait écrit, au dernier couplet de la pastorale :

Nous l’avons vu cet Enfant

Qui s’immole pour l’homme coupable,
Sur la paille et de froid tout tremblant.
Dans sa crèche Il pleurait nos malheurs

Pour nous rendre le Ciel favorable.


Le spectacle de cette navrante pauvreté de Bethléem ne devait-il pas glacer l’acclamation la plus chaleureuse, fondre en tristesse inconsolable la plus vive des joies, changer en remords cruel l’enthousiasme le plus contagieux ?

Un lecteur me dira peut-être, et avec beaucoup de raison :

« — Vous affirmez gratuitement que le musicien s’est inspiré du poète. Prouvez-moi d’abord que le cantique a précédé la mélodie : autrement votre imagination en sera pour ses frais de dissertations sentimentales et artistiques. »

J’admets très volontiers la logique et la force de l’observation qui m’est faite. À l’exception des noëls de Pellegrin écrits sur les chants de l’Église — à part celui de ce même auteur composé sur la musique de Du Caurroy — tous les noëls parus dans ce livre l’ont été sur des airs de chansons profanes dont on voulait, à tout prix, faire oublier les couplets.

Je n’en maintiens pas moins cependant mon dire, et j’avance une fois de plus que ces cantiques mêmes, écrits sur de la musique plus que profane, possèdent un caractère essentiellement religieux. Et je réponds à la judicieuse remarque de mon lecteur par un argument tout préparé que je trouve à ma disposition dans le bel ouvrage de M. Ernest Gagnon : Cantiques populaires du Canada français. Je le crois sans réplique.