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NOËLS ANCIENS

Oh ! qu’elle est vraie cette parole de Musset : « rien n’est meilleur que d’entendre air doux et tendre, jadis aimé. » La seule lecture de ce cantique m’a toujours causé une émotion profonde, jugez de son effet lorsqu’on me le chante.

Dans cette étable est à nos églises catholiques françaises ce qu’est à nos foyers notre délicieuse chanson À la claire fontaine. L’hymne national de la province de Québec, Vive la Canadienne, l’est peut-être moins que ce cantique qui nous rappelle trois patries : le Canada, la France, le Ciel ! Universellement connu, universellement aimé, on le chante, universellement aussi, par toute l’immensité territoriale du Dominion : du fond de la Baie des Chaleurs aux sommets glacés du Klondyke, — car cette année même, que dis-je ? aujourd’hui[1], dans les montagnes d’or de l’Alaska, à Dawson-cité[2], à Juneau-ville, il y aura des mineurs canadiens-français pour célébrer, à la bonne manière des ancêtres, la traditionnelle messe de minuit — de Vancouver à Anticosti, sur tous les points géographiques de la Puissance, et dans les quarante-cinq États-Unis de la République américaine où vit plus d’un million de nos compatriotes, partout enfin où vous rencontrerez un Canadien-français. Victor Hugo demandait au Seigneur, comme une grâce suprême, d’épargner à ses parents, à ses amis, même à ses ennemis triomphants, le spectacle navrant d’une cage sans oiseaux, d’une ruche sans abeilles, d’une maison sans enfants. Canadien, le grand poète eût ajouté un trait à ce tableau de désolation : celui d’une église où l’on ne trouverait pas, à Noël, une crèche d’Enfant Jésus, d’une chapelle où l’on ne chanterait pas Dans cette étable, ce carmen seculare de la Nouvelle-France.

  1. Aujourd’hui, c’est-à-dire, le 25 décembre 1898. Sous ce titre : Dans cette étable et à cette date le Courrier du Canada de Québec publiait un Christmas number où se trouvait inséré tout l’article consacré ici à la critique et à l’histoire du cantique de Fléchier.
  2. Aussi bien Dawson-cité devrait-elle se nommer Leduc-cité, car ce fut encore un Canadien-français, Joseph Leduc, qui