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Page:Myrand - Noëls anciens de la Nouvelle-France, 1899.djvu/161

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NOËLS ANCIENS

de la chanson ; vos bravos leur sembleraient ironiques et cruels.

Quel contraste poignant à établir entre ce silence, recommandé comme une prescription de médecin, et ces acclamations délirantes qui saluaient à Montréal et à Québec, dans une gloire d’apothéose, aux soirées de gala de leurs Académies de Musique, une autre compatriote illustre, exilée, elle aussi, bien loin de notre belle province, lorsqu’elle chantait avec une voix ravissante l’admirable musique d’Hérold :


Souvenir du jeune âge
Sont gravés dans mon cœur,
Et je pense au village
Pour rêver le bonheur !


Ce projet exquis de l’exilée volontaire qui rentre à son gré dans la patrie, Madame Albani le peut réaliser autant de fois que son cœur lui dira de revenir au Canada français. Sa richesse lui permet de quitter Londres, de réapparaître, tous les ans, comme Les Hirondelles de Béranger, dans ce beau village de Chambly


Pour rêver le bonheur


de son existence de compatriote et d’artiste. Elle vient alors revivre, dans toute leur intensité, les joies pures de sa jeunesse, au berceau même de sa famille, sous le beau ciel de son pays.

Mais aux malheureux proscrits de Boston, de Lowell, de Fall-River, la mélodie d’Hérold est interdite. Ils n’en chanteront jamais plus que la finale. Chacun d’eux semble dire à nous tous, avec un accent d’agonie :


Ah ! ma voix vous supplie
D’écouter mon désir ;
Rendez-moi ma patrie
Ou laissez-moi mourir !