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NOËLS ANCIENS

là s’arrêterait l’effort d’une critique méchante et grincheuse, scrutant à la loupe, pour le seul et triste plaisir de signaler une tache dans l’eau d’une pierre précieuse, une scorie dans la limpidité d’un cristal.

Cette limpidité de cristal, cet éclat de pierre précieuse, le noël franciscain les possède en réalité ; seulement, comme au diamant brut, il importerait qu’il fut taillé, serti par un orfèvre habile. L’or du bijou lui manque : c’est-à-dire la richesse du style, le ciselure de la strophe, qui mettraient en lumineux relief toute la valeur de cette œuvre poétique. On ne saura jamais trop admirer cependant cette extrême simplicité de mots unie à cette extrême élévation de pensées, la science rare et profonde avec laquelle cet inexpérimenté des belles-lettres conduit et soutient un parallèle entre la naissance temporelle et la naissance eucharistique du Rédempteur. Ces contrastes délicieux, attendrissants au possible, rappellent à l’esprit charmé les comparaisons grandioses et les superbes anthèses du Votis Pater annuit, l’une des plus célèbres proses de la liturgie catholique.

En 1694, une quatrième édition des Cantiques Spirituels de l’Amour Divin fut publiée à Paris. Cette fois, elle est bel et bien signée du nom de l’auteur : le Révérend Père Surin[1] de la Compagnie de Jésus. On y trouve deux noëls.

  1. Jean-Joseph Surin, écrivain ascétique, naquit à Bordeaux en l’an 1600. Il était fils d’un conseiller au parlement de Bordeaux qui n’accéda qu’après de longues instances à son désir d’entrer chez les Jésuites. Il était d’une ardente piété et sa connaissance profonde du cœur humain le rendit fort remarquable pour la conduite des âmes. Aussi ses supérieurs lui confièrent la direction du couvent des Ursulines de Loudun, dont la possession faisait grand bruit et sur lesquelles le supplice récent d’Urbain Grandier attirait plus que jamais l’attention publique. Mais il advint que le bon Père Surin, qui était venu à Loudun pour exorciser, tomba lui-même en possession. Si bien que l’on fut obligé d’appeler à son secours d’autres exorcistes qui ne pouvaient le délivrer à son tour des démons qui le hantaient qu’en lui appliquant le Saint Sacrement sur la bouche.