Page:Myrand - Noëls anciens de la Nouvelle-France, 1899.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
NOËLS ANCIENS

ce qui peut flatter l’esprit humain. Le monde ne vous montrait que des fleurs, vous les avez quittées pour les épines de la vie monastique. Vous avez préféré l’humilité aux grandeurs, la pauvreté aux richesses et la pénitence aux plaisirs. Voilà en quoi une âme aussi noble que la vôtre fait consister la véritable gloire, pour ne la rapporter qu’à Dieu qui en est le principe.

« C’est la connaissance de tant de précieuses qualités qui m’a porté à vous faire un présent qui n’est digne de vous, Madame, qu’autant qu’il a de conformité au zèle que vous avez pour les intérêts de Dieu. »

L’abbesse de Saint-Rémy dut être fort satisfaite de l’abbé de Pellegrin (c’est ainsi qu’il signait), car cette épître dédicatoire, complimenteuse et bien tournée, a véritablement bonne mine. On y reconnaît l’habileté du librettiste expert en l’art d’écrire de pieux cantiques sur de gentils airs de cour.

La dernière phrase de sa préface est aussi très heureuse : « Si le succès répond à mon espérance, dit-elle, ma récompense ira bien loin au delà de mon travail et de mes veilles, et m’animera toujours de plus en plus à consacrer ma plume à la solide satisfaction des âmes véritablement pieuses, qui est de publier les louanges du Seigneur et de commencer dans le temps un exercice qui les doit occuper dans l’éternité. »

Cette pensée est un écho très étonnant, trop fidèle même, de la dernière phrase d’une autre préface écrite, sept ans auparavant, sur un sujet identique. « Au reste, déclarait le Père Surin, dans la quatrième édition de ses Cantiques Spirituels de l’Amour Divin, tâchez de vous souvenir qu’ils sont une belle image de ceux qui se chantent dans le ciel ; et cependant que vous soupirez doucement après cette musique immortelle, préparez, pour ainsi dire, votre langue à l’emploi qu’elle doit avoir dans l’éternité. » Ainsi rapprochées, ces deux finales de préfaces ont une ressemblance inquiétante pour la probité littéraire de Pellegrin. Il était, sous ce rapport, d’une réputation d’intégrité si absolue que