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Page:Myrand - Noëls anciens de la Nouvelle-France, 1899.djvu/94

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NOËLS ANCIENS

je préfère, et de beaucoup, croire à une indiscrétion de sa mémoire, plutôt qu’à un petit péché de plagiat.

Le jésuite Surin nous donne les raisons qui l’ont induit à publier ses Cantiques. — « Mon principal objet est de tarir, si possible, ce fleuve honteux dont parle saint Augustin, qui roule, avec un nombre infini de chansons profanes, tant d’impuretés, de mensonges, d’ivrogneries qui flattent l’oreille et blesse le cœur[1] et qui font naître chaque jour mille et mille horribles péchés. Et, pour cela, considérant que le chant et la musique qui charment l’esprit humain sont comme ces véhicules qui, passant agréablement par l’oreille, portent malheureusement le poison des vices jusque dans le cœur, j’ai voulu donner une matière plus sainte qui édifie et instruise les âmes en divertissant les esprits et les divertisse en les instruisant ; afin que toute la vie du chrétien se passe utilement dans la pratique de la vertu, et que les plus petites récréations en soient sanctifiées. Intéressez-vous avec moi dans ce louable dessein. Le chant et la poésie ne nous doivent pas moins divertir dans ces cantiques que dans des chansons profanes. C’est ce dessein qui m’a porté à donner au public ces chansons pieuses qui toutes ont pour leur sujet l’Amour Divin qui sans doute est le premier maître des bonnes pensées et qui, dans la paix qu’il inspire à l’esprit des gens de bien, leur fait goûter par avance l’harmonie du Paradis. »

Ces motifs excellents de Surin, Pellegrin les partage,

  1. Quiconque étudie les chansons populaires du Canada français y constate un travail identique d’expurgation. — « Plusieurs de nos chansons se chantent en France avec des variantes lascives que nous ne connaissons pas en Canada. De là il suit évidemment qu’il a dû se faire ici un travail d’expurgation à une date quelconque, ou peut-être insensiblement. Or, ceux qui connaissent l’histoire des premiers temps de la colonie — alors qu’on ne permettait qu’à des hommes exemplaires d’émigrer au Canada, et que, suivant les chroniques du temps, ceux dont la vertu était un peu douteuse semblaient se purifier par la traversée ; alors que toute la colonie naissante ressemblait à une communauté religieuse, et que les missions baronnes rappelaient les âges de foi de la primitive Église — ceux-là, dis-je, compren-