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NOËLS ANCIENS

et, avec lui, l’éditeur Garnier[1] qui publia, à son exemple, un Recueil de Nouveaux Cantiques Spirituels « avec des parodies sur les grands airs de musique instrumentale ». — « Quoique tous les airs de ces cantiques ne soient point propres à être chantés à l’église, à cause de leur trop vive gaieté ou de l’excessive vulgarité des paroles profanes, il est cependant fort utile d’avoir des cantiques sur ces airs afin qu’on puisse les chanter à la maison et oublier, par ce moyen, les chansons mondaines qui ont été composées dessus. »

Ce Mot d’avertissement de l’éditeur Garnier, le bon Père Daulé semble en avoir fait son profit ; car plusieurs des cantiques de son volumineux recueil se chantent, ou mieux se chantaient, sur des airs de chansons triviales et grossières que lui avaient apprises, à Québec, des artisans, des ouvriers, et des porteurs d’eau. Daulé notait les airs, puis écrivait sur leur mélodie des paroles pieuses qu’il substituait habilement aux couplets scabreux. Un peu plus tard, et au grand ébahissement de la dévote assistance agenouillée dans la cathédrale, la chanson, bachique ou grivoise, métamorphosée en cantique spirituel, retentissait sous les voûtes du sanctuaire, appuyée d’un magistral accompagnement d’orgue tenu alors, à

    dront facilement qu’à cette époque, on n’aurait jamais osé chanter devant ses frères des couplets obscènes, et que le peuple ait pu, de lui-même, introduire dans certaines chansons les variantes qui nous sont restées et qui les dégagèrent de toute immoralité. » — Ernest Gagnon : Préface des Chansons populaires du Canada. Les missionnaires oblats qui prêchaient des retraites dans les chantiers de l’Ottawa — il y a de cela quarante ans — avaient composé des cantiques de morale sur les airs les plus en vogue et les mieux connus de nos chansons canadiennes. Il y en avait d’écrits sur la musique d’À la claire fontaine, d’En roulant ma boule, de La belle Françoise, Dans les prisons de Nantes, Fringue, fringue sur la rivière, etc., etc., bref, tout le répertoire de nos chansons de rame y passait. Le succès en était merveilleux… chez les raftsmen !

  1. Nouveaux Cantiques spirituels, avec des parodies sur les grands airs de musique instrumentale. — À Paris, chez Jean-Baptiste Garnier, imprimeur, libraire de la Reine et de Madame la Dauphine, etc., etc. — 1750.