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NOTES 517

un cri du cœur. Il faut que le mensonge dure, que le " cache- cache " et le " chassé-croisé " se perpétuent ; pour préparer le trait final. Le dernier mot de Paul Bréan sur le point de se suicider sera encore une allusion à la danse devant le miroir symbolique ; il se tuera, les yeux dans les yeux de Régine

    • pour conserver sa belle image " et l'image chère à l'auteur.

Celle-ci, M. de Curel, avec bien de la peine, l'a justifiée par des faits, par des phrases. Quand il fallait la justifier par des " êtres ". Il n'y a pas d' " êtres " en jeu dans la Danse devant le Miroir, mais d'extraordinaires automates, composés de pièces dépareillées, dont la complexité n'est pas le fait d'une grande richesse intérieure, mais masque une totale inexistence. L'action se passe sous cloche pneumatique et on sait bien que l'homme n'a pas le moyen de vivre sans air.

Notez qu'on prend un continuel intérêt à ces passes intel- lectuelles, même un certain amusement. Mais quand j'ai accepté que la Danse dans le Miroir se déroulât hors du temps, hors des mœurs, hors de la logique, en toute fantaisie, en toute gratuité, au moment de lui accorder mon applaudissement, mon acquies- cement, ma joie, je pose mes conditions. Soit, c'est là une pure création de l'esprit et je renonce à y chercher ou vérité, ou vraisemblance. Mais plus la question de réalité et d'humanité s'efface, plus la question d'art va se porter au premier plan et c'est la seule, qui, dans le cas, s'impose. Je me demande donc si ce drame gratuit, tel que nous le présente M. de Curel, est capable de se suffire. Est-il clos et parfait comme une œuvre d'art absolue ? le mécanisme, tout artificiel, en va-t-il sans à-coups ? l'architecture factice des idées, des images, des senti- ments et des paroles a-t-elle assez de beauté et de force pour contenter notre sens esthétique ? A défaut d'un drame vivant, j'exige une belle fiction, un beau poème, — un beau "système" tout au moins. Mais non ! le système est confus et la machine grince ; la poésie ne s'y montre que par éclairs ; cette œuvre d'abstraction veut composer avec la vie et la vie gêne son élan.

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