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Page:NRF 11.djvu/948

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94^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

nous toisant avec leur face à main, ma grand'mère et mioi, parce que nous mangions des œufs durs dans la salade ce qui était réputé commun et ne se faisait pas dans la bonne société de Nantes. Ils affectaient une atti- tude de méprisante ironie à Tégard d'un Français qu'on appelait Majesté et qui s'était en effet proclamé lui-même roi d'un petit îlot de l'Océanie peuplé seulement par quelques sauvages. Il habitait l'hôtel avec sa jolie maîtresse, sur le passage de qui quand elle allait se baigner, les gamins criaient : " Vive la reine " parce qu'elle leur jetait des pièces de cinquante centimes. Le premier prési- dent et le bâtonnier ne voulaient même pas avoir l'air de voir les " déguisés " et déclaraient que c'était " à quitter la France ".

Les jours où nous allions faire une grande promenade en voiture avec Madame de Villeparisis, je devais, sur l'ordre du médecin, rester couché jusqu'au déjeûner et à cause de la trop grande lumière garder fermés le plus longtemps possible les grands rideaux violets qui m'avaient témoigné tant d'hostilité le premier soir. Mais comme malgré les épingles avec lesquelles, pour que le jour ne passât pas, Françoise les attachait chaque soir, et qu'elle seule savait défaire, malgré les couvertures, les étoffes prises- ici ou là, le tapis en cretonne rouge de la table, qu'elle y ajustait, elle n'arrivait pas à les faire joindre exacte- ment, ils laissaient se répandre sur le tapis comme un écarlate effeuillement d'anémones parmi lesquelles je ne pouvais m'empêcher de venir un instantposer mes pieds nus. Et sur le mur qui leur faisait face et qui se trouvait partiellement éclairé un cylindre d'or que rien ne soutenait était verticalement posé et se déplaçait lentement comme

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