978 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
salle à manger. Nous nous sommes faits des lits avec des branchages de sapin. Miss Paine a même fabriqué une sorte de moustiquaire. Nous souffrons du froid ; par une erreur d'enregistrement, nos couvertures et mon sac de couchage ne nous ont pas suivis.
Nous passons huit jours dans ce camp. Les hommes partent pour la chasse et la pêche de bon matin. Ils rapportent des biches et des truites. Les femmes cherchent le bois, Teau, cuisent et relavent la vaisselle. Mrs. Donahoo montre toujours plus les côtés désagréables de son carac- tère. Elle ne parle plus de m'adopter ; maintenant elle m'ignore ou me jette le même regard haineux qu'à Miss Paine. Hatchkett, notre petite compagne de tente, lui rapporte en les dénaturant les conversations que nous avons le soir avant de dormir. Nous ne pouvons partir ; le " Tees " ne revient que dans quinze jours. Il n'y a pas une demeure de blanc à plus de cinquante milles.
J'arrive cependant à m'échapper un jour avec les jeunes gens de notre camp pour grimper sur une mon- tagne de l'autre côté de la baie. La brousse est très épaisse, et j'en sors couverte d'égratignures et de grands accrocs dans la jupe verte et noire dont j'étais si fière. Les arbres sont, pour la plupart, très vieux et pourris ; on risque toujours de partir avec la racine à laquelle on s'accroche. Près d'un petit étang, mes compagnons me font remarquer des pistes d'élans et de biches.
Un autre jour, je me baignais dans le bras de mer. A cent mètres, sur un rocher, j'aperçois un être que je prends pour un homme ; un Indien seul aurait pu s'égarer dans ce lieu solitaire. Tout à coup mon Indien part à quatre pattes; c'était un ours.
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