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10 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

" Charleville, 25 août 1870. Monsieur,

Vous êtes heureux, vous, de ne plus habiter Charleville !

— Ma ville natale est supérieurement idiote entre les petites villes de province. Sur cela, voyez-vous, je n'ai plus d'illusions. Parce qu'elle est à côté de Mézières — une ville qu'on ne trouve pas — parce qu'elle voit péré- griner dans ses rues deux ou trois cents de pioupious, cette benoîte population gesticule prudhommesquement spadassine, bien autrement que les assiégés de Metz et de Strasbourg ! C'est effrayant, les épiciers retraités qui revêtent l'uniforme ! C'est épatant comme ça a du chien, les notaires, les vitriers, les percepteurs, les menuisiers et tous les ventres, qui, chassepot au cœur, font du patrouillo- tisme aux portes de Mézières ; ma patrie se lève 1... Moi, j'aime mieux la voir assise ; ne remuez pas les bottes ! c'est mon principe. " ^

Il est visible qu'il ne comprend pas. Ce qui se passe sous ses yeux n'a pas de sens pour lui ; il ne perçoit pas le motif de cette agitation ; elle lui apparaît comme vidée du sentiment qui la provoque ; car de ce sentiment il ne peut se faire aucune image, son âme ne lui en fournissant pas d'équivalent. A la place des humbles mouvements du patriotisme, il ne trouve en lui qu'un aflfreux désintéresse- ment plein de rire.

  • Lettre i M. Izambard, publiée par M. Paterne Berrichon dans

11 Nowvellt Revue Française du i*' janvier 191 2, pp. 24-25. Com- pare» l'anecdote racontée par Erneit Delahaye à la page 27 de son RimhauJ.

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