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RIMBAUD II

Bien mieux : de la haine. Il n'est pas seulement insensible : il y a en lui une véritable fureur, un profond besoin de vengeance. Il est tourné contre nous ; il nous abhorre de toutes ses forces, de tout son cœur : " La chaleur n'est pas très constante, mais de voir que le beau temps est dans les intérêts de chacun et que chacun est un porc, je hais l'été qui me tue quand il se manifeste un peu. " ^ Il considère tout être comme quelqu'un d'abord dont il faut se venger. Il s'approche, il met la main sur lui, il a un droit sur lui, il vient lui faire payer sa dette. Et comme il voit qu'on n'en peut rien tirer, il l'accable de sarcasmes et de malédictions.

Aucun moyen ne lui paraît trop bas pour satisfaire son grief. Il faut parler sans crainte de l'hypocrisie et de la lâcheté de Rimbaud. Sournois, oui, puisque cela peut être une arme. Darzens raconte que, dans un dîner de littéra- teurs où Verlaine l'avait introduit, Rimbaud, légèrement pris de vin, se mit à rythmer d'un mot malsonnant les vers que récitait un poète. Carjat, après une vive alterca- tion, l'ayant mis à la porte, Rimbaud attendit la fin du repas et, lorsque son adversaire sortit, se précipita sur lui avec une canne à épée, dont il lui fît une blessure heureu- sement peu grave. ^ Certains ont prétendu cette anec- dote controuvée et il est important d'indiquer ici que Verlaine en tous cas en donne une version toute difFé-

1 Lettre à Delahaye de juin 1872, Nouvelle Re<vue Française du i*' oct. 1912, p. 578.

^ Voir le Reliquaire d'Arthur Rimbaud, Genonceaux éditeur. L'anecdote se trouve dans la Préface de Rodolphe Darzens, p. XXVL Elle est reproduite, avec quelques variantes, dans le Paul Verlaine d'E. Lepelletier,

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