Page:NRF 12.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

12 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

rente. * Pourtant, telle que la rapporte Darzens, elle ne me paraît pas absolument invraisemblable. Quels scrupules pouvait-il y avoir pour une colère aussi fondamentale que celle de Rimbaud ? Les convenances, la mesure et l'espèce de dignité que nous avons l'habitude de garder jusque dans l'assouvissement de nos rancunes, c'est parce que celles-ci sont toujours particulières, limi- tées, définies : pour les satisfaire nous ne sortons qu'un instant de l'état de paix ; nous savons bien que nous y rentrerons tout à l'heure ; aussi essayons-nous d'en con- server le plus possible les grandes lignes, d'en respecter les exigences autant que nous le permet notre crime. Mais chez Rimbaud la haine est totale, absolue, infinie,; c'est elle qui pose toutes les lois, qui donne sa direction et sa forme à toute la conduite ; il n'y a pas d'autre voix que la sienne ; le seul devoir est de la contenter à tout prix ; ainsi toute lâcheté est permise, pourvu qu'elle soit efficace,

  • " Rimbaud eut le tort incontestable de protester d'abord entre

haut et bas contre la prolongation d'à la fin abusives récitations. Sur quoi M. Etienne Carjat, le photographe-poète de qui le récitateur était l'ami littéraire et artistique, s'interposa trop vite et trop vivement à mon gré, traitant l'interrupteur de gamin. Rimbaud qui ne savait supporter la boisson, et que l'on avait contracté, dans ces *' agapes " plutôt modérées, la mauvaise habitude de gâter au point de vue du vin et des liqueurs, — Rimbaud qui se trouvait gris, prit mal la chose, se saisit d'une canne à épée à moi qui était derrière nous, voisins immédiats, et„par dessus la table large de près de deux mètres, dirigea vers M. Carjat qui se trouvait en face ou tout comme, la lame dégaînée qui ne fit pas heureusement de très grands ravages, puisque le sympathique ex-directeur du Boulevard ne reçut, si j'en crois ma mémoire qui est excellente dans ce cas, qu'une éraflurc très légère à une main. " (Préface aux Po/sifs Compléta d'Arthur Rimbaud, édition Vanier.)

�� �