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176 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

redescendante, quand on descend sur cette pente qui aboutit à un seul point, qu'importe qu'on ait passé de quelques mois ou de quelques années la ligne de faite, la ligne de partage des jours.

Comment ne seraient-ils point mélancoliques. Tout ce qu'ils aiment est dangereusement menacé. Souvent ils se demandent, non pas l'un à l'autre, mais chacun à soi- même, si tout n'est pas perdu. Ils voient ce peuple fran- çais menacé de toutes parts, trahi de toutes mains, se trahissant soi-même. Or ils savent qu'il n'y a jamais eu que deux réussites dans le monde, et que, dans le monde antique ce fut le peuple grec, et que dans le monde moderne ce fut le peuple français. Etant entendu que le peuple juif est et fut et sera toujours une longue race et la race même de la non réussite et que le peuple romain était destiné à se faire la voûte d'une immense rotonde.

Comment ne seraient-ils point mélancoliques. Ils savent que rien n'est fragile, que rien n'est précaire conmie de telles réussites. Ils voient qu'on en a fait une. Et c'est la Grèce. Ils voient qu'on en a fait une autre. Et c'est la France. Ils se demandent d'où il en viendrait jamais une autre. Et ils savent bien que de nulle part il n'en viendrait jamais une autre.

Ces deux réussites, les seules qui se soient jamais pro- duites dans l'histoire du monde, leur paraissent d'un prix infini. Une tendresse anxieuse, dissimulée et comme résignée chez le Juif, (résignée à la dispersion), inexpiable et comme forcenée chez le chrétien, les groupe autour de la culture antique et française comme autour d'une sur- vivance tous les jours plus dangereusement menacée. Ici éclate la différence internelle de leurs deux races.

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