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3o8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la chronique, il y avait là une volonté d'ordre et de disci- pline qui allait se retrouver pure et nue dans la génération suivante. albert thibaudet

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EXPOSITION MATISSE (Galerie Bernheim jeune et a«).

L'exposition de M. Matisse, venant après celle deM. Braque, nous fait assister à la lutte des deux esthétiques les plus violemment opposées de notre époque. Autant M. Braque est épris d'ésotérisme, cultivant le mystère plus encore que sa technique, autant M. Matisse limite le sens de ses ouvra- ges au charme strict de la matière colorée. Autant M. Braque est épris de spéculation intellectuelle, autant M. Matisse, dédaignant tout à-priorisme, affirme n'attendre une raison d'œuvrer que de ses sensations seules. Son acti- vité est purement réceptive. Ce peintre excelle à raisonner sur le choc de ses sens : il s'avère incapable de se passer d'une certaine commotion immédiate pour peindre. Le cerveau de M. Matisse peut très bien être comparé à un piège. Peu confiant en son imagination, l'artiste quitte son atelier, que ne hante nul fantôme. Il descend dans la rue, le jardin, la campagne, et, attentif à l'impression la plus inattendue, il la capte dès son apparition avec une adresse sans pareille. L'oiseau-sensation, caressé, gorgé, engraisse : c'est à ce moment que le peintre dépense des trésors d'ingéniosité pour donner au plumage de sa capture le lustre le plus écla- tant. Ce procédé de travail, il faut l'avouer, provoque des trouvailles de couleur d'une grande rareté, auxquelles nul peintre avant M. Matisse n'avait songé. — Je me demande s'il ne serait pas plus juste de dire : n'avait daigné songer.

En effet, quelle a été la préoccupation capitale de M. Ma- tisse, sinon de s'emparer d'un côté de l'art pictural : la cou- leur, et de donner à cette valeur, jusqu'à présent sou- mise à la domination de la forme, la prédominance sur celle-

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