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LE PÈRE HUMILIÉ 709

La veille de son départ. J'ai compris ce que fut cette heure d'aveuglement et de vertige.

SICHEL. — Une rencontre désespérée et sans aucune parole, comme de gens qui n'en peuvent plus et qui ne savent ce qu'ils font.

ORSO. — Il est heureux que votre mère ait pensé à m'écrire.

PENSÉE. — Je le lui avais défendu.

ORSO. — Il voulait revenir dès qu'il l'aurait pu.

Silence.

PENSÉE, criant tout à coup. — Orian est mort ! Orian est mort ! Il n'est plus.

Où êtes-vous, mon cher mari, et pourquoi n'êtes-vous pas avec moi ?

SICHEL, la soutenant. — Pensée, mon enfant bien-

aimée !

Silence.

PENSÉE. — Comment est-il mort ?

ORSO. — Tué d'une balle au cœur comme nous char- gions les Allemands dans un mauvais petit champ de vignes à travers les échalas.

Je l'ai vu tout à coup qui lâchait son fusil et qui tombait en avant. Son corps est resté pUé en deux, accroché à un petit mur de pierres sèches parmi les ronces.

PENSÉE. — Vous l'avez laissé là ?

ORSO. — Les Prussiens tiraient sur nous, tant qu'ils pouvaient.

PENSÉE. — Moi, je serais morte avec lui.

ORSO. — Je suis un officier, et mon devoir n'était pas de me faire tuer, mais d'assurer le commandement de ma section.

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