Page:NRF 13.djvu/919

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

POÉSIE ET MÉMOIRE ÇII

Croit-on que des œuvres de mince valeur artistique puissent résister à plusieurs lustres de tradition orale ? Les chansons de Béranger, qui ne sont pas sans mérite pourtant, fournissent la preuve du contraire. Tout le monde les a chantées et personne ne les sait plus. Seul, un vieux notaire de campagne, après boire, fredonne encore parfois les stances fameuses:

Vous vieillirez, 6 ma jeune maîtresse...

Ainsi la sélection de la mémoire vulgaire confirme l'opinion des bons juges selon qui ce poète ne fut jamais mieux inspiré que par un thème banal de la poésie éro tique.

Il y a quelques années, le journal V Intransigeant demanda à ses lecteurs de citer « le plus beau vers ». Le résultat de ce référendum est curieux à consulter. Les jeunes gens choisirent des vers purement descriptifs, et les écrivains, en majorité, des vers pleins d'images. D'autres, accordant leur préférence à des vers d'idées, sont moins nombreux, mais leurs noms se trouvent être aujourd'hui ceux d'auteurs estimés. Enfin, comme il sied, les « enquêtes » d'un certain âge marquaient ime prédi- lection pour les vers tournés en forme de maximes, les vers dorés.

On entend dire maintenant qu'il n'y a pas de beau vers isolé, que cela n'est d'aucun intérêt, qu'il faut con- sidérer l'œuvre, le poème dans son ensemble. C'est le point de vue critique, mais on peut envisager aussi la

�� �