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926 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

avec Gertrude trois petites aveugles que Martins a pro- posé de lui confier, à qui Gertrude à son tour apprend à lire et à exécuter divers menus travaux, où déjà ces fillettes se montrent assez habiles.

Quel repos, quel réconfort pour moi, chaque fois que je rentre dans la chaude atmosphère de la Grange, et combien il me prive si parfois il me faut rester deux ou trois jours sans y aller. Mademoiselle de la M... est à même, il va sans dire, d'héberger Gertrude et ces trois petites pensionnaires, sans avoir à se gêner ou à se tourmenter pour leur entretien ; trois servantes l'aident avec un grand dévouement et lui épargnent toute fatigue. Mais peut-on dire que jamais fortune et loisirs furent mieux mérités ? De tout temps Louise de la M... s'est beaucoup occupée des pauvres ; c'est une âme profondément reli- gieuse, qui semble ne faire que se prêter à cette terre et n'y vivre que pour aimer ; malgré ses cheveux presque tout argentés déjà, qu'encadre un bonnet de guipure, rien de plus enfantin que son sourire ; rien de plus har- monieux que son geste, de plus musical que sa voix. Gertrude a pris ses manières, sa façon de parler, une sorte d'intonation, non point seulement de la voix, mais de la pensée, de tout l'être — ressemblance dont je plaisante l'une et l'autre, mais dont aucune des deux ne consent à s'apercevoir. Qu'il m'est doux, si j'ai le temps de m'attar- der un peu près d'elles, de les voir, assises l'une auprès de l'autre et Gertrude soit appuyant son front sur l'épaule de son amie, soit abandonnant une de ses mains dans les siennes, m'écouter lire quelques vers de Lamartine ou de Hugo ; qu'il m'est doux de contempler dans leurs deux âmes limpides le reflet de cette poésie ! Même les

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