Page:NRF 14.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SI LE GRAIN NE MEURT 167

rence, lorsque nous jouions à quatre mains. Mademoiselle de Gœcklin, qui comprenait sans peine ma répugnance, disait alors d'une voix plaintive, abstraitement, comme un ordre discret qu'elle eût donné à un esprit : " Il faudra faire venir l'accordeur. " Mais l'esprit ne faisait pas la commission.

Mes parents avaient pris coutume de passer les vacan- ces d'été dans le Calvados, à la Roque-Baignard, cette propriété qui revint à ma mère au décès de ma grand' mère Rondeaux. Les vacances de nouvel an, nous les passions à Rouen dans la famille de ma mère ; celles de Pâques, à Uzès auprès de ma grand'mèrc paternelle.

Rien de plus différent que ces deux familles ; rien de plus différent que ces deux provinces de France, qui con- juguent en moi leurs contradictoires influences. Souvent je me suis persuadé que j'avais été contraint à l'œuvre d'art, parce que je ne pouvais réaliser que par elle l'accord de ces éléments trop divers, qui sinon fussent restés à se combattre, ou tout au moins à dialoguer en moi. Sans doute ceux là seuls sont capables d'affirmations puissantes, que pousse en un seul sens l'élan de leur hérédité. Au contraire les produits de croisement, en qui coexistent et grandissent, en se neutralisant, des exigences opposées, c'est parmi eux je crois que se recrutent les arbitres et les artistes. Je me trompe fort si les exemples ne me donnent raison.

Mais cette loi que j'entrevois et indique a jusqu'à présent si peu intrigué les historiens, semble-t-il, que dans aucune des biographies que j'ai sous la main à Cuverville où j'écris ceci, non plus que dans aucun dictionnaire, ni

�� �