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NOTES 595

J'aime beaucoup la Thérèse de Mademoiselle Jordaan. Cette comé- dienne voit juste et copie fidèlement ses modèles; nous reconnais- sons chacun de ses gestes, chacun de ses accents : la vie même ! Madame Barbiéri, la mère Cordier, a montré qu'on peut mettre beaucoup de talent dans une petite chose et Allard est parfait d'ac- cent et d'allure dans le matelot anglais.- Pour compléter l'ensemble disons que de simples silhouettes sont dessinées par des acteurs de qualité et qu'il nous semble bien avoir reconnu, parmi les ouvriers du port, la chevelure flamboyante du roi Léontès et la barbe d'An- tigonus. Heureux théâtre où les princes d'hier viennent aujourd'hui figurer dans un estaminet.

��Après le Paquebot Tenaciiy le rideau se relève pour la représenta- tion du Carrosse du Saini-Sacrement. Nous étions dans un cabaret normand ou picard, nous voici dans un palais péruvien. L'illusion est complète, et, cependant, il n'y a que peu de changement sut la scène: des accessoires ont été enlevés, d'autres apportés. Le cadre est toujours là. Mais la lumière tombe réellement d'un autre ciel : elle était brumeuse et froide, la voici d'un éclatant jaune citron. Et puis les acteurs aussi ont changé. Habit, langage, âme, nous som- mes à Lima. Enfin, la voix du poète achève la métamorphose.

L'expérience tentée là par Copeau, l'expérience de la scène fixe, est tout à fait concluante, si concluante que personne n'a jugé bon d'insister. N'insistons pas davantage.

A l'occasion de la petite pièce de Mérimée, toute la critique a fait preuve d'une érudition si complète et si variée que je ne dirai pres- que rien, assuré que je serais maintenant de répéter quelqu'un.

Le Carrosse du Saint- Sacrement donne à la fois une impression de grande abondance dans l'ensemble et de concision dans le détail. La langue en est exquise et suffirait au plaisir du spectateur si celui-ci ne prenait plaisir à la peinture, toute classique, des carac- tères, à la fantaisie presque bouffonne qui marque la fin de l'ou- vrage, à l'imprévu comique et charmant des costumes.

Jacques Copeau joue lui-même don Andrès. Je l'ai entendu plu- sieurs fois. Poète, acteur, Jacques Copeau est un acteur exceptionnel ;

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