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756 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

au peintre, mais dont le ton singulier surprit M. Bréal. Celui-ci enquêta et Cari Justi dut reconnaître qu'il avait forgé de toutes pièces le document. 11 s'excusait en rappelant l'exemple « des dis- cours inventés par les, historiens romains et celui de Macaulay qui les a imités ». L'amusante préface de M. Bréal nous retrace toute l'aventure. Quand un savant à lunettes improvise, il prévient les gens. Cari Justi n'avait oublié que de prévenir. — Comparez à cette impudente sottise la sûreté de goût de l'écrivain français qui fut mis sur la piste de l'imposture par l'auto-incompréhension que le Journal apocryphe décelait en Vélazquez. Il n'a écrit sur le maître espagnol que deux cents petites pages et l'a mieux pénétré — ce trait le prouve — que Cari Justi en deux épais volumes. Je me refuse à généraliser. Il serait tout de même tentant d'opposer, dans l'ordre critique, les deux manières. Bornons-nous à marquer le coup. Le livre de M. Bréal n'est pas fait de suppositions. Il donne des faits et des dates : il tient compte du temps, du pays, du milieu, mais sans l'insistance de Taine. Il remarque en premier lieu, après quelques descriptions fort discrètes, que l'atmosphère qui baigne les toiles du maître est exactement celle de l'Espagne. Il en déduit « qu'en Angleterre, par exemple, un homme du génie de Vélazquez eût été un autre peintre » et ce n'est pas là un « truisme ». Cette remarque, juste pour quelques autres, l'est surtout pour celui-ci. La suite de l'étude va nous l'apprendre : Vélazquez, entre tous les peintres, est celui pour lequel «le monde extérieur existe » et qui ne peint que ce qu'il voit. Affaire de don et de vocation. « Il semble qu'il ait toujours su dessiner. Son œil est infaillible. C'est la sûreté d'un appareil de précision.. » On ne pense pas plus à son dessin « qu'on ne songe au dessin des choses que l'on voit dans la nature. » Il ne dessinera jamais « de chic ». Une seule exception : le cheval au galop du petit Baltha^ar Carlos, qui justement sera informe. Il demeurera toute sa vie incapable d'invention. — Il lui reste à apprendre à peindre. Il peint d'abord des « bodegones », autrement dit natures-mortes, et de la même main, des figures vivantes. «Chaque pli de la peau est comme fouillé au burin; les moindres . traits sont arrêtés, creusés, sertis et les figures, si justes soient-elles, se détachent sans aucune souplesse sur les fonds sombres., etc.. » Sommes-nous si loin des Ménines ? Très loin.. « Alors que les carac-

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