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50 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la vertu des mots colorés et la force avec laquelle ils projettent notre esprit sur de fantastiques trajectoires. Peu m'importent les ingrédients dont il compose sa drogue : le chanvre vaut le vin ou le pavot, du moment qu'il s'agit seulement de provoquer le délire. Mais vou- loir tirer de Sophocle une ébriété de cet ordre, voilà qui est absurde et sauvage. Il a, sur les hommes, des choses à dire qui méritent d'être écoutées ; il réclame de la docilité d'esprit ; ses paroles ne doivent pas servir à des fuites en tous sens, à des bonds de Ménades.

Si encore vous étiez juste pour Hugo, on pourrait vous passer une faiblesse de poète pour les vocables voyants ; mais vous ne supportez pas son vin, le plus riche en ivresse verbale avec celui de Ronsard. Vous vous gaussez des libertés qu'il prend avec l'histoire, et vous ne voyez pas que l'imagination ' est magnifique- ment stimulée par ces noms, ces allusions, ces rappro- chements les plus hasardeux, mais toujours choisis avec un prodigieux sens de la musique et de la force évoca- trice ; alors que ces mômes mots, employés judicieuse- ment par vous, ne feraient que glacer votre texte. M'avez-vous assez raillé à cause de

Mossuî Que ccnqiiU le premier DuUlius, ce consul Oui jimrchait précède de flûtes tibicines.

Que de sottises vous avez relevées dans ces deux

I. J'entends l'imagination lyrique, voluptueuse et centrifuge, le « ravissement » poétique, et non cette imagination grave et active, qui tend à une possession du monde plus complète et plus profonde.

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