Aller au contenu

Page:NRF 16.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ce tombeau — qu’on avait si péniblement gardé, avec cette dure contraction — descendre.

Dans un de ces moments où, selon l’expression populaire, on ne sait plus à quel saint se vouer, comme ma grand’mère toussait et éternuait beaucoup, on suivit le conseil d’un parent qui affirmait qu’avec le spécialiste X on était hors d’affaire en trois jours. Les gens du monde disent cela de leur médecin et on les croit comme Françoise croyait les réclames des journaux. Le spécialiste vint avec sa trousse, chargée comme l’outre d’Éole de tous les rhumes de ses clients. Ma grand’mère refusa net de se laisser examiner. Et nous, gênés pour le praticien qui s’était dérangé inutilement, nous déférâmes au désir qu’il exprima de visiter nos nez respectifs, lesquels pourtant n’avaient rien. Il prétendait que si, et que migraine ou colique, maladie de cœur ou diabète, c’est une maladie du nez mal comprise. À chacun de nous il dit : « Voilà une petite cornée que je serais bien aise de revoir. N’attendez pas trop. Avec quelques pointes de feu je vous débarrasserai ». Certes nous pensions à tout autre chose. Pourtant nous nous demandions : « Mais débarrasser de quoi ? » Bref, tous nos nez étaient malades. Il ne se trompa qu’en mettant la chose au présent. Car dès le lendemain son examen et son pansement provisoire avaient accompli leur effet. Chacun de nous eut son catarrhe. Et comme il rencontra dans la rue mon père secoué par des quintes, il sourit à l’idée qu’un ignorant pût croire le mal dû à son intervention. Il nous avait examinés au moment où nous étions déjà malades.

La maladie de ma grand’mère donna lieu à diverses personnes de manifester un excès ou une insuffisance de sympathie qui nous surprirent tout autant que le genre de hasard par lequel les uns ou les autres nous découvraient des chaînons de circonstances, ou même d’amitiés que nous n’eussions pas soupçonnées. Et les marques d’intérêt données par les personnes qui venaient sans cesse prendre