34LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Iaïtchnitsa. — Et pourtant cette vieille marieuse me disait. . . Ah, la pécore, le rebut du genre humain !...(A part) Et s'il mentait... Il faut soumettre la vieille au plus strict interrogatoire, et, si ce qu'il raconte est vrai... je la ferai chanter comme on ne chante guère.
Anoutchkine. — Laissez-moi, à mon tour, vous importuner ; une question ? Ne connaissant pas la langue française, il m'est difficile de juger par moi-même si une femme la sait ou ne la sait pas. Eh bien, dites-moi, la maîtresse de maison la sait-elle ?
Kotchkariov. — Pas un traître mot.
Anoutchkine. — Est-ce possible ?
Kotchkariov. — Je vous l'affirme ; Agâfia Tikhonovna a été en pension avec ma femme, et c'était une paresseuse insigne. Son maître de français lui donnait même du bâton.
Anoutchkine. — Figurez-vous que dès la première minute j'ai eu comme le pressentiment qu'elle ne savait pas le français...
Iaïtchnitsa. — Au diable, le français, mais que cette marieuse maudite ait osé!... Ah, la carogne, ah, la sorcière ! Si vous saviez en quels termes louangeurs elle me la peignait... C'est un peintre, monsieur, un peintre accompli! « Maison en pierre, aile sur fondation, disait-elle, cuillers d'argent, traîneaux... il n'y a qu'à monter dedans et à te promener»... Il est rare de pouvoir lire, dans un roman, une plus belle page. Ah, vieille semelle ! Tombe-moi seulement sous la patte!...
Scène VI
Iaïtchnitsa. — Ah, la voilà ! Arrive ici, vieille semeuse de péchés ! Approche vite !