Aller au contenu

Page:NRF 17.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE SECRET DU POLICHINELLE 63

bureau chargé de papiers, une estampe ; et sans cesse, elle bondissait autour de la liseuse, de ses mains fines, de son visage étoile par les yeux, de ses cheveux blonds, des plis de sa robe où palpitaient de petites sources d'ombre bleue...

Elle ne le regardait pas, elle ne le distinguait pas des pierres. Mais lui, a3'ant à rapides œillades conquis son image, s'en délectait durant l'après-midi. Si la leçon l'en- nuvait trop, il baissait les paupières, et sous un azur plein d'hirondelles argentées, lentement, il ressuscitait son amie.

Le soir enfin s'épanouissait comme une fleur immense, et que le ciel eût tout le jour méditée. De loin, Victor reconnaissait les volubilis du pavillon, il se hâtait ; il aspirait d'un seul coup la vénusté ferme et fine de la jeune fille. Elle se promenait, avec un petit arrosoir dont elle ne se ser^^ait guère, entre des géraniums, des bégonias et des mauves : sa robe blanche traînait sur le gravier de l'ombre en un bruissement harmonieux ; les bouts de sa ceinture rose flottaient ; sa natte battait sur son dos comme si elle eût ri ; et enfin le reste de ses cheveux, sous son chapeau étroit, paraissait à Victor aussi varié, aussi spirituel qu'un visage.

Elle entendait, elle daignait entendre qu'il approchait. Elle se retournait avec vivacité, elle regardait Victor. Elle ne souriait pas, rien ne glissait dans ses yeux qui pût faire croire à son adorateur qu'elle le reconnût ou l'encou- rageât. Elle avait quinze ans, il n'allait en avoir que qua- torze : elle provoquait et il suppliait... Il la considérait avec crainte : une lumière sortait de ses joues dorées et de ses prunelles noires.

Victor ne s'arrêtait pas. Il ne pouvait pourtant pas lui dire :

— Mademoiselle, je vous aime...

Il négligeait ensuite (tradition cependant ancienne) de tourmenter la sonnette de son ennemi Cantin, et rentrait à

�� �