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Page:NRF 17.djvu/78

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72 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Tiens, dit-il en touchant l'épaule de son neveu, pro- menons-nous un peu pour voir le coucher du soleil.

En faisant le tour de la pelouse, on jouissait de deux occidents ; l'un au-delà d'un potager avec des choux et des fèves, entre les villas : le globe y était visible, orange et aplati, énorme, dans un ciel de pourpre jaunie qui se nuait en vert pâle et en azur au zénith ; l'autre, passé le platane, la tonnelle et le mur, dans le créneau que formaient deux mansardes d'ardoise au golfe d'une rue lointaine : là, il n'y avait plus qu'une aurore couleur de souci, chaude, agitée et dilatée par un mouvement si mj'stérieux qu'on s'atten- dait à en voir jaillir un soleil plus beau que le nôtre.

L'homme et l'enfant regardèrent cela en silence ; puis ils causèrent plus affectueusement.

— Il faut aimer la nature, disait M. Saintour. Au bu- reau, j'ai un arbre dans ma croisée.

— Moi, j'ai un acacia I s'écria Victor.

C'était l'acacia de Crépuscule. Il la revit avec ce Cantin qu'elle avait préféré ; son cœur se tordit comme une pomme au pressoir. Sa voix se brisa, son sourire se rompit, une telle douleur passa dans ses yeux que son oncle s'émut. Il parut rêver, hésiter, se flatta un peu la barbe ; puis il risqua une question :

— Victor, mon garçon, j'espère que tu as confiance en moi ?

— Moi, mon oncle ?

Son secret blessé, Victor se raidissait, serrait les dents, tâchait de ne pas pâlir. Quoi donc, cet imbécile pénétrerait au mystère douloureux, il y porterait l'injure de sa voix donnante et reprenante, le conseil gluant de sa dégoûtante sagesse !

— Tu sais, continuait M, Alfred Saintour avec embarras, il ne faut pas croire ce que peuvent raconter tes camara- des... Il y a bien des voyous... Ton père a voulu t'élever à l'école primaire, il a eu raison en principe ; mais dans l'application....

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