7 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇMSE
On se rassit. La bonne présentait les entrées. Victor ne regardait plus rien que son étoile.
— Il a mauvaise mine, constata de loin M. Alfred Saintour.
— Vilains yeux, goguenarda M. Marquis, chagrins d'amour !
Jamais on ne savait au juste ce que cet homme voulait dire : on rit par politesse. Victor laissa tomber sa fourchette. Le temps de la ramasser, une fureur le posséda. Il eût voulu d'un seul mot emporter la conversation, comme il aurait tiré la nappe par le coin avec sa vaisselle, ses mets et ses fleurs agonisantes, mais il ne lui venait que des gros- sièretés aux dents. Sa bouche se contracta.
— Est-ce que tu es vraiment malade, Victor ? demanda madame Saintour, douce et sévère, une lèvre de moue et une lèvre de sourire.
Le jeune garçon, pour répondre, regarda sa mère : mais ce fut une femme qu'il vit. Il tressaillit violemment, sa figure s'empolirpra, il baissa le front et souhaita si fort d'être aveugle qu'il le fut durant quelques secondes.
— Eh bien, dit M. Saintom' avec autorité, ta mère te parle ! Serais-tu malade ?
— Mais non, enfin ! répliqua Victor d'un ton brusque, je me porte très bien !
Son père allait le réprimander pour son impertinence, lorsque son oncle intervint.
— Peut-être prend-il ses études trop au sérieux, je l'ai fait causer tout à l'heure.
— Le brevet l'effraye, dit la tante, les programmes sont trop chargés.
— Pensez à son âge, murmura M. Marquis,
— On a bien du mal avec les enfants, soupira madame Saintour.
Victor les écoutait avec dégoût. Pourquoi ces hommes étaient-ils si brutaux, pourquoi ces femmes manquaient- elles à ce point de finesse ? Il chercha les yeux de sa sœur,
�� �