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34^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Jouvenel, de Monzie, tous, sauf erreur, anciens élèves du Col- lège Stanislas.

Dans les Copains, comme dans Donogoo Tonka et dans Adon- sietir le Trouhadec saisi par la déhanche, Jules Romains acclimate définitivement dans notre littérature le canulard, jusqu'ici réservé aux élèves de TEcole Normale Supérieure, et à un degré moindre à ceux de l'Ecole des Beaux-Arts et aux « carabins » des Salles de Garde. On peut d'ailleurs ranger parmi les précur- seurs de Romains, Jarr}^ dont VUhii roi, apparaît, de plus en plus, comme une énorme farce de collégien. Le canulard mys- tificateur et parfois tortionnaire déclenche un rire féroce et impitoyable, qui exclut de la vie les faibles, les vieux et les imbéciles et qui est avant tout un rire de puissance.

Mais ce n'est pas en vain que l'instaurateur de cette nouvelle forme de comique est un poète de l'envergure de Romains. Ce rire tout gratuit a chez lui a un fond et une résonance lyriques, et la farce que la bande des Copains joue aux citoyens d'Amhert et d'Issoire atteint des proportions d'épopée.

Dans l'univers unanimiste, le rire a une place privilégiée. Et sa caractéristique est de n'avoir aucun arrière-goût d'amertume. Il, n'a rien de la « mâle gaieté » dont il faudrait pleurer après en avoir ri, propre à toutes les comédies de caractère. Il n'a rien non plus du rictus désolé dont La Fouchardière accom- pagne chacune de ses plaisanteries. C'est un rire qui ne déses- père pas de l'humanité, qui est une acceptation allègre de la vie, une interprétation joyeuse de l'univers, une dilatation de tout l'être dans l'aise de la pleine santé, une multiplication de sa force vitale qui accélère sa marche et lui compose mille visages, lui inspire mille combinaisons, lui donne enfin l'âme d'un Dieu créateur et consacre le triomphe de l'esprit sur la matière, du libre-arbitre sur le déterminisme.

Il faudrait examiner aussi comment ce comique nouveau, si étroitement inspiré par notre époque (voyez entre autres la satire de la poésie moderne au début, puis la satire de la démocratie) se rattache à la grande tradition des fabliaux, de Rabelais et des farces molièresques par les accessoires (les beuveries, les céré- monies avec discours latins, etc..) et surtout par h style robuste, dru et, si l'on peut dire, d'une « pureté populaire » inimitable. benjamin crémieux

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