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352 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

neur. Tous les renforts qui lui sont venus : le renfort lyrique des dadaïstes, le renfort médical de la psychanalyse et, en tout dernier lieu, chaperonné par Valéry Larbaud, le « monologue intérieur » de James Joyce n'empêchent pas qu'il ait été le pre- mier à occuper la place. Entre les pages des dictionnaires, les mots tremblent de terreur: le moment d'expier est proche.

Jacoh Cou> le Pirate ou Si les mots sont des signes n'est qu'un • réquisitoire : « L'on ne parle pas sa pensée directement. On parle ses mots... Les mots vous engagent... Il suffit de retourner l'ordre des mots pour avoir leur sens retourné... L'on n'a plus à penser, les phrases y suffisent... La tâche de la rime est de fonder pour un moment une prétention des sons voisins aux pensées voisines. »

Les mots n'ont-ils donc à invoquer aucune circonstance atténuante? Si. L'incurie de celui qui parle a sa part de respon- sabilité dans les crimes commis par les mots. Si l'on utilise leur « ressource naïve », les mots traduisent, sans trahir. (Voyez les précautions employées par Jean Paulhan lui-même dans le maniement du langage.)

Bien mieux : « Tel maître, tel serviteur. » Freud, par sa théorie des actes manques, nous ouvre des fenêtres sur bien des lieux bas de notre nature : c'est le langage ici qui sert la vérité en faisant apparaître fugacement ces terribles secrets, dans nos lapsus et dans nos rêves. Dans ce conflit permanent, c'est tour à tour l'inspirateur et le traducteur qui est dupe, criminel, véri- dique, faussaire.

S'il ne se joue plus chez un seul individu, mais entre plu- sieurs, combien ce drame de l'expression se compliquera-t-il encore, combien de possibilités engendrera-t-il ? LTne pensée déformée d'abord par les mots de celui qui la parle, interprétée ensuite par l'auditeur qui traduit ces paroles dans son propre langage et les soumet, ainsi traduites, à l'action de son incons- cient, à quelles confusions, à quelles explosions, à quelles interférences ne peut-elle pas conduire ?

Principe d'identité, syllogismes : fondements logiques du langage; figures de rhétorique : fondements poétiques du lan- gage, autant de notions périmées. \'oyez dans Jacoh Coiv l'ana- lyse de la métaphore. Une image n'est originairement qu'une impuissance à nommer l'objet, une approximation :

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