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4l8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Il est sur ses gardes, comme le prouve l'immobilité de ses cils roux :

— Oui et non...

— C'est vous qui avez désigné celle qui tiendrait la pointe de ce terrible saillant ?

Il réplique durement :

— Où veux-tu en venir... Et détachant chaque mot :

— A me faire avouer que j'ai prononcé l'arrêt de mort ?... Elle a la force de ne pas baisser les \eux, mais elle pose

sur sa robe noire des mains entr'ouvertes et un peu trem- blantes. Il continue plus doucement :

— Tu sais pourtant que, dans la pratique, on suit une sorte de roulement...

— Ce ne pouvait pas être le cas^ puisque son régiment donnait pour la première fois, après avoir été complètement refondu !

Un de ces courts silences qui sont, chez lui, comme le ramassement de la volonté avant le bond, ces trois secondes de suspens qui coupent le souffle à certains de ses officiers et qui donnent de la hauteur au moindre de ses ordres. Le courage, où qu'il le rencontre^, a toujours sur lui quelque prise, aussi murmure-t-il, avec une résignation maus- sade :

— Soit ! Interroge, je répondrai.

Décontenancée par une capitulation si brusque, Ch'mène tâche d'être nette, car son oncle ne peut souffrir qu'on balbutie :

— Dans l'instant où vous donniez un de ces ordres qui signifient la mort pour un grand nombre de ceux qui les reçoivent... (ne vous étonnez pas de mes questions ; tout ce qui s'est passé ce jour-là prend pour moi tant de gra- vité!...) je voudrais savoir si vous n'aviez dans l'esprit qu'un problème de stratégie ou si vous imaginiez tel ou tel visage pour chacun des rôles que vous distribuiez.

— Tant d'hommes ont passé sous mon commandement.

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