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424 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

��II

��Le hasard veut qu'après le dîner, faisant les cent pas sur la digue, le général de Pontaubault laisse échapper sa canne, qui glisse le long de l'escarpe et va se ficher dans le sable. La nuit n'est pas assez tombée pour qu'un groupe de promeneurs, parmi lesquels il y a des jeunes gens, ne le voie pas interroger du regard l'échelle usée ; mais, peut-être à cause d'un certain coup d'œilque, d'un peu haut, l'homme grisonnant a commencé par jeter à la ronde, la gaucherie de sa descente sur les premières marches est observée avec quelque malice. Brusquement, quelqu'un se lève du banc où il était assis, bouscule les badauds avec une phrase déso- bligeante qu'on ne perçoit pas clairement, descend la pente abrupte et, par l'échelle, rapporte la canne. Il y a, dans le respect avec lequel l'objet est rendu, une leçon à l'adresse des jeunes joueurs de tennis, qui d'ailleurs s'esquivent.

— Quelle bande, mon général ! dit le nouveau venu de manière à ce qu'on l'entende.

— Diable, mon cher Vernois, vous êtes vif. Et d'abord merci, mon ami. Mais pourquoi ces jeunes gens me traite- raient-ils autrement que n'importe quel promeneur mala- droit ?

— Ils m'agacent, mon général.

M. de Pontaubault passe son bras sous celui de son ancien officier. Il vient d'aspirer une bouffée venue de loin et dont ses narines voudraient prolonger le plaisir.

~ Singulière existence que la nôtre, dit-il en entraînant son compagnon. Quelle souplesse on nous demande ! Tan- tôt chefs et chargés d'imposer à des hommes ce qu'ils peu- vent endurer de plus rude, tantôt leurs égaux et forcés d'es- suyer le choc en retour de ce qu'ils ont souffert. \'ous ne connaissiez qu'un de mes avatars ; la modestie du second vous a surpris.

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