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Page:NRF 18.djvu/443

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connu, qu’il n’eût pas su voir plusieurs de ses qualités les plus certaines.

Cette fois il ne peut faire autrement que de poursuivre :

— Nous avons partagé, Heuland et moi, la même vie pendant près de deux ans. Cela ne veut pas dire qu’on se connût parfaitement, car dans nos cantonnements et nos cagnas, certaines parties seulement de nous-mêmes trouvaient à s’exprimer. Mais par l’égalité de son humeur, par son obligeance à rendre mille petits services, Heuland était populaire auprès de tout le monde. D’abord chacun comprenait une chose, c’est qu’il était là de son plein gré, puisque en invoquant l’intérêt de son usine, il n’aurait pas eu de peine à s’y faire affecter.

— Oh, dit Clymène, il n’y a jamais pensé !

— D’autres, qui font étalage de grands sentiments, l’auraient pensé et l’auraient fait, surtout s’ils avaient pu se cacher derrière trois enfants. Et ce n’est même pas par gloriole qu’il restait avec nous. Il confessait ingénument qu’il n’avait aucun goût des aventures ni des honneurs. Même il n’y avait pas à le pousser longtemps pour lui faire déclarer, sans aucune fausse honte, qu’il n’aimait pas les coups.

— Vous du moins, s’écrie Clymène, vous ne lui teniez pas rigueur de ces boutades. Tant de gens lui en ont fait grief !

— On l’en plaisantait quelquefois ; mais, en fin de compte, ce sont les bourreurs de crânes que sa simplicité faisait paraître ridicules. Et je vous réponds que si l’on supportait sans trop d’irritation les petits ennuis de la vie en commun, on le doit en bonne part à son inlassable gaieté.

— Sa mère, dit Clymène, raconte qu’il riait dès le lendemain de sa naissance. Et le fait est que nous ne possédons pas une seule photographie où il ait trouvé moyen de garder un air grave.

— Pourtant, reprend Vernois, c’est dans un grave souvenir que je revois son visage le plus volontiers. Il a dû